marxisme

nom masculin Ensemble des conceptions de Karl Marx, de Friedrich Engels et de leurs continuateurs.

IntroductionDésormais, la doctrine des partis communistes va se doubler d'une nouvelle idéologie, baptisée « léninisme », qui englobe les textes et la pratique léniniste de la conquête du pouvoir, mais aussi, très rapidement, les textes et la pratique de la IIIe Internationale, puis ceux de Staline, du Komintern et de tous les partis communistes du monde qui deviennent « staliniens ». Cette doctrine a reçu, le plus souvent, le nom de marxisme-léninisme, ou encore, de 1925 à 1950, celui, très voisin, de stalinisme.L'idéologie stalinienne se distingue par la priorité au développement de l'industrie lourde, le maintien d'une hiérarchie de type mafieux dans les structures du parti bolchevique, qui double toutes les instances politiques apparentes dans un État baptisé « démocratie populaire », lequel fonctionne à l'aide d'une bureaucratie omniprésente, tatillonne, et par le maintien d'un système policier monstrueux, pratiquant dénonciation, procès truqués, torture, déportation et concentration dans des camps de travail des opposants, système dans lequel l'État a commencé par éliminer toutes les structures idéologiques qui lui sont hostiles, comme les Églises, les syndicats indépendants, les associations autonomes, etc. Ces productions idéologiques (illisibles, baptisées « langue de bois » par les Polonais) se rencontrent chez Staline (Questions du léninisme, 1925), Jdanov et chez d'autres auteurs, idéologues par occasion, tels les secrétaires de parti comme Palmiro Togliatti, Maurice Thorez (Fils du peuple, 1937), Mao Zedong (De la contradiction, 1937), Nicolae Ceausescu, etc.Les textes de Mao relatifs à la contradiction sont les plus importants et inspireront toute une frange de l'intelligentsia marxiste de l'Europe ; mais ils ne sont qu'un commentaire des thèses de Engels issues de celles de Hegel : « La loi de la contradiction inhérente aux choses, aux phénomènes, ou loi de l'unité des contraires, est la loi fondamentale de la dialectique matérialiste » (De la contradiction).Ce type de marxisme n'aura jamais l'impact nécessaire pour toucher d'autre public que quelques intellectuels occidentaux, dont certains seront séduits, et même dupés, par le maoïsme (M.-A. Macchiocchi, De la Chine, 1971).Le premier a avoir dénoncé en Occident l'imposture stalinienne a été le premier secrétaire du P.C.F., Boris Souvarine (1895-1984), exclu en 1923 du Parti, et dont la volumineuse monographie intitulée Staline (1935) constitue une somme. Le premier Russe qui dénonça le stalinisme comme système est, sans aucun doute, le premier opposant politique à Staline, Trotski (1879-1940), lui-même exclu en 1927 et exilé. Contre Staline, le grand thème de Trotski est de reprendre l'idée de « révolution permanente » opposée au « socialisme dans un seul pays », thèse que Staline devait inévitablement faire sienne.Un exemple remarquable de l'analyse que fait Trotski du stalinisme se trouve dans sa brochure Bolchevisme et Stalinisme (1937). Selon lui, la conquête violente du pouvoir par les bolcheviques n'était pas possible autrement, mais la révolution mondiale aurait dû nécessairement accompagner la révolution russe, au lieu que les Soviétiques sont restés seuls après la série des défaites des prolétariats européens au lendemain de 1917. Il écrit : « La révolution bolcheviste, avec ses mesures de répression, signifiait la subversion des rapports sociaux dans l'intérêt des masses, alors que le coup d'État de Staline accompagne le remaniement de la société soviétique dans l'intérêt d'une minorité privilégiée. » Les ultra-gauchesLe marxisme comme doctrine de la pensée et de l'action s'est également renouvelé grâce aux opposants minoritaires du mouvement communiste international, rapidement exclus de leurs partis nationaux. La plupart ont mis l'accent sur la faille initiale de la pratique prônée par Lénine, la prise du pouvoir au nom du mot d'ordre « Tout le pouvoir aux soviets ! ». Ils analysent l'évolution du bolchevisme vers la concentration bureaucratique comme la conséquence d'une révolution prolétarienne dans un seul pays, qui, de ce fait, subordonne la stratégie de tous les partis à l'intérêt de ce seul pays, « patrie du socialisme » : c'est encore une fois, comme à l'époque de la IIe Internationale, l'abandon de l'internationalisme qui ruine le mouvement marxiste. Ces marginaux sont partisans de la tentative hongroise de Béla Kun, la République des Conseils ; on les appelle les « conseillistes ». Deux personnalités marquent le mouvement conseilliste : Karl Korsch et Anton Pannekoek.Karl KorschL'Allemand Karl Korsch (1886-1961) publie en 1923 Marxisme et Philosophie, où il se propose de rétablir la liaison dialectique entre le mouvement révolutionnaire et son expression théorique. Il considère qu'élever le matérialisme dialectique au niveau d'une loi invariante et positive de l'évolution historique est contraire à tout ce que Marx a lui-même recherché. Il est condamné par un article publié dans la Pravda en 1924, et sera désormais seul. Il quitte l'Allemagne en 1933 et publie, aux États-Unis, un remarquable Karl Marx (1938).Anton PannekoekThéoricien de la IIe Internationale, le Néerlandais Anton Pannekoek (1873-1960) condamne le syndicalisme, devenu à ses yeux entièrement bureaucratique. Lui aussi est conseilliste, et il pense que l'action parlementaire et l'organisation syndicale doivent être délaissées par le prolétariat, qui doit désormais concentrer ses forces sur l'organisation des conseils ouvriers. Après 1918, à la suite de l'échec du conseillisme, il abandonne le mouvement pour se consacrer à l'enseignement de l'astronomie.Les chercheurs universitaires d'avant et d'après la guerreLa plus importante des écoles qui se rattachent au marxisme est l'école de Francfort. Dans les années 1930 et sous l'impulsion de Max Horkheimer se crée l'Institut für die Sozialforschung, qui définit un programme politique et scientifique. Ce programme part du principe selon lequel la production théorique des connaissances s'inscrit dans le cadre d'un processus social conditionné par les rapports économiques. Horkheimer propose d'appeler ce mouvement « théorie critique » : la critique théorique conduit à combattre l'ordre existant pour le remplacer par un ordre plus rationnel et plus respectueux des hommes. Le terme de « critique » tend ainsi à signifier « révolutionnaire ». Mais cette tendance révolutionnaire va être combattue et finalement corrigée par Theodor W. Adorno (1903-1969), qui se dirige vers un individualisme sceptique récusant toute forme de totalitarisme. Le plus important représentant de la théorie critique est, sans conteste, le « freudo-marxiste » Herbert Marcuse (1898-1979), auteur de l'Homme unidimensionnel (1964), qui montre que le capitalisme américain conduit à une « société close », réduisant au même pas, à la même dimension toutes les potentialités de l'existence.Après la guerre, l'école renaît avec le retour des États-Unis des deux fondateurs et se renouvelle, notamment grâce à Jürgen Habermas (né en 1929). Ce dernier s'intéresse, entre autres, à l'opinion publique et aux médias, dont il fait une catégorie de la société bourgeoise, pour arriver à une théorie critique des processus « communicationnels » au sein de la société capitaliste et bourgeoise.Le marxisme dans la société d'aujourd'huiLe marxisme aujourd'hui, après la chute des régimes communistes dans les pays dits « de l'Est », ne représente plus grand chose ; il est devenu soit un objet de recherche parmi d'autres chez les universitaires, soit une référence un peu archaïque dans la philosophie personnelle de certains professeurs ou journalistes, soit la revendication de quelques mouvements politiques ultraminoritaires. Mais, à titre d'objet intellectuel de recherche, il conserve une place immense. L'un de ses plus importants représentants, Louis Althusser (1918-1990), a commencé, à la suite des travaux de l'historien Auguste Cornu, par reprendre les textes de jeunesse de Marx et à voir entre eux et le reste de son œuvre une « coupure épistémologique » (Lire le « Capital », 1965). Althusser revient ensuite sur cette démarche qu'il appelle sa « déviation théoriciste » et annonce l'introduction de la lutte des classes dans la philosophie même par le primat du politique. Il définit l'histoire de la philosophie comme une lutte de tendances « déterminées par des positions théoriques de classe » (Éléments d'autocritique, 1974).Plusieurs élèves d'Althusser continuent de travailler sur le marxisme et d'analyser certaines de ses apories, qui complètent tout naturellement la critique de la philosophie. Ainsi Dominique Lecourt a étudié les effets de l'idéalisme stalinien de « transformation de la nature » et la politisation des sciences biologiques (l'Affaire Lyssenko). Le plus remarquable est, sans doute, Étienne Balibar (Cinq études du matérialisme historique, 1974).D'autres se sont attachés à dénoncer le « matérialisme croupion » des auteurs postmarxistes, réduits à n'être, selon la formule de Pierre Bourdieu, que des « matérialistes sans matériels ni matériaux ». Nombreux avaient été ceux ayant vu dans les événements majeurs du XIXe s. et du XXe s. les événements qui ont concrétisé ce que Lénine avait appelé « la fusion du mouvement ouvrier et de la théorie marxiste » : il faut y mettre la Commune de Paris, la révolution de 1917, mais aussi le goulag, Budapest 56, Prague 68 (B. Thiry), ce qui constitue la catastrophe non prévue par les philosophies marxistes. Est-ce la preuve de la faillite définitive du marxisme ?L'« indépassable philosophie » de notre temps, comme l'appelait Sartre, connaît peut-être son vrai destin dans le cadre que propose une formule d'Althusser : « La théorie marxiste est une théorie finie, et c'est à partir de sa finitude consciente qu'il est possible de poser tous nos problèmes majeurs » (entretien avec Rossana Rossanda paru dans la revue Dialectiques en 1978). Cela implique que le marxiste d'aujourd'hui doit reprendre constamment ce qui avait été une critique dans l'histoire et en faire la critique (« la critique de la critique », chère à Marx) avant qu'elle ne devienne un obstacle pour la pensée. Ainsi ce que propose Althusser a pour effet bien compris de transformer chaque achèvement en un nouveau départ, une nouvelle clé pour appréhender la suite de l'histoire.
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