métamorphose

nom féminin
(latin metamorphosis, du grec metamorphôsis) Changement d'un être en un autre, transformation totale d'un être au point qu'il n'est plus reconnaissable : La métamorphose d'Odette en cygne dans « le Lac des cygnes ».
Modification complète du caractère, de l'état de quelqu'un, de l'aspect ou de la forme de quelque chose : Quelle métamorphose ! Il était insupportable, il est devenu agréable.
Changement de forme d'un individu, survenant après sa sortie de l'œuf et constituant l'une des étapes de son développement normal.
Transformation profonde que subit un insecte en passant de l'état larvaire à l'état nymphal et de celui-ci à l'état adulte ou imaginal.

BIOLOGIEDans le développement de nombreuses espèces, l'embryon donne naissance à une larve qui diffère profondément de l'adulte et qui mène une vie différente de la sienne : larves pluteus des échinodermes, larves nauplius, zoe et autres types des crustacés, larves trochophores des annélides polychètes, têtards des ascidies, des amphibiens, chenilles des insectes… C'est par la métamorphose, caractérisée par de profonds remaniements morphologiques et physiologiques, que la larve se transformera en un jeune animal ayant l'aspect général de l'adulte. La métamorphose marque le passage d'un plan d'organisation à un autre. Le pluteus à symétrie bilatérale, menant une vie pélagique, se transforme en un oursin à symétrie rayonnée et menant une vie benthique. Le têtard d'une grenouille mène une vie aquatique et possède une respiration branchiale ; il se métamorphose en un organisme terrestre et à respiration pulmonaire et cutanée.Au cours de la métamorphose, des organes nouveaux remplacent les organes larvaires, dont certains disparaissent par phagocytose. La métamorphose comporte donc des processus constructifs (histogenèse, morphogenèse), des processus régressifs (histolyse, morpholyse) et un changement dans le mode de vie, d'où la notion d'écophase ou stade écologique.

LITTÉRATUREDépossession ou intronisation ?Nous vivons dans l'oubli de nos métamorphoses (Éluard). En guise d'excuse, Descartes rappelle que nous fûmes enfants, et Wordsworth décrit « les ombres de la prison qui s'abattent sur le nouveau-né », effaçant le souvenir de ses vies antérieures. Derrière la métamorphose se profile la métempsycose à laquelle croit l'essentiel de l'humanité : le corps pourrit, l'âme se réincarne. Au hasard ? Au mérite ? Suivant l'esprit des formes ? Ovide publie la bible de l'humain : « Et Daphné, depuis qu'elle sent en laurier, veut que tu te changes en vent » (Rilke). De la pierre à l'étoile, de la pieuvre à l'araignée (Hugo), tout fut homme ou le sera, les dieux sont les agents de la transformation. La forme n'est qu'un masque.Pourtant l'épreuve, la damnation, la récompense nous confèrent la forme qui nous attendait, ou celle qui nous exprime. On ne devient que soi. Satan serpent (Milton), Grégoire Samsa cancrelat (Kafka), et Cendrillon princesse. Les espèces muent, comme les sociétés (Darwin) à un rythme si lent qu'il brise nos perspectives : le mutant, l'extraterrestre, l'ange ont le même sort, pas le même temps. Dépossession ou intronisation, la métamorphose scelle à la fois la mort et la naissance. Dévorés par l'esthétique du regard en arrière, nous voudrions déjà avoir changé (Strindberg, Pirandello). Eurydice nous dit la mutation d'Orphée : à ce qui m'a quitté, je saurai qui je suis. Métamorphose fait ta mort fausse. Meurs et deviens. N'est-ce pas là l'essentiel des initiations ? La vie des formesLa plus horrible des images est encore consolante : devenir ange ou champignon, panthère humanisée (Wells), truie (Owen) ou bébé de l'espace (A. C. Clarke), ces voyages sans retour nous raccrochent à nos fauteuils. L'immuable, c'est la transformation (Veda). Tout coule. Nulle part il n'est d'arrêt. L'histoire est ce qui ne m'arrive pas (Camus). Le fantastique autant que le baroque, l'agonie autant que l'extase chantent la vie des formes : nous sommes aux mains de mages qui un jour s'estiment satisfaits et nous abandonnent à la forme conquise. Risque inscrit dans la langue : toute métaphore ébauche une métamorphose. Ton amour me déserte et me voici désert. De ce vertige sans cesse esquissé le récit donne une version « logique », autrement dit feutrée. Les mutations sociales (le prince et le pauvre), les affabulations (Ulysse), le travesti de bal (Cocteau) ou de quête (Lancelot), le déguisement rituel (Mozart), le baptême éphémère (Kipling), la clandestinité, la personnalité d'emprunt, la conversion (Siddharta), la coiffure et la robe (V. Woolf) jouent sur les deux tableaux : ce qui me révèle me détruit autant que ce qui me détruit me révèle ; tout m'aide à naître. La teinture, disait Böhme, est la colère de Dieu : elle dissout, elle décape. Nous sommes le brouillon de nos formes idéales. Ce dont je suis le masque cherche son image, stade ultime de notre évolution d'insectes, perfection prémortelle. La vie est une naissance qui dure : l'âme est un papillon. L'imagination, qui commande à l'instinct, peut tout : acquérir la conscience des pierres, du vent, des arbres, des abeilles (Char, Michaux, Michelet, Maeterlinck) ; puissance plastique, elle épouse l'élan, monte avec les montagnes, coule avec les rivières (Coleridge). Dieu est imagination (Blake). Mais tout aspire à changer sans se perdre. L'angoisse qui naît de ce paradoxe débouche sur la mystique : ce qui me détruit me construit. Je meurs de ne pas mourir (Thérèse d'Ávila, Éluard). À l'issue du tunnel, la Belle attend la Bête : l'amour est le garant des métamorphoses. Ne m'aime pas celui qui m'empêche de changer : si la beauté est vérité (Keats), ce n'est pas parce qu'elle est vérifiable ; c'est que l'imagination, comme le rêve, anticipe sur nos formes futures. Psyché est à la fois miroir et papillon.Abolis bibelots ? Rien ne s'efface des vies imaginaires. Même si le réveil nous arrache à l'avenir du rêve, rien ne s'annule : car rien n'est réversible. Le rêve change la vie. Aussi la fiction nous lâche-t-elle, sitôt franchi le seuil de la métamorphose : Siddharta est devenu Bouddha. Réalisme, naturalisme n'ont rien a voir avec la réalité ni avec la nature : ils disent l'impossibilité de changer et que les institutions nous avortent. De même que l'adultère dit la transformation sournoise que le mariage interdisait. Rares sont ceux qui jouent le film à l'envers (E. Triolet), imaginent Jésus vraiment réincarné (Lawrence) ou le saut de puce diabolique qui nous glisserait dans l'autre (J. Green). À toute métamorphose s'attache l'identité ; du surhumain nous faisons le surhomme, et du divin les dieux, oubliant leur privilège absolu, qu'illustre si bien le polythéisme hindou : l'éternel renouveau de leurs formes. Rêvant de devenir enfin personnes (comme si la personne n'était pas un masque), nous devenons personne : l'humain est à l'homme ce que le féminin est à la femme, un avenir improbable, l'image d'une métamorphose achevée.Sculpte ta statue, dit Marc Aurèle. De la difficulté d'être en bronze, répond Dubillard. La forme est mon vampire (Wilde). Que serais-je : méduse ? (Caillois). Rien n'est pire que l'informe : transformant, transformé, et sur le fond, difforme (Byron). D'où la fascination du vide et du chaos. Le Temps est un enfant qui joue (Héraclite, Ph. K. Dick) et modèle nos pâtes. Le poète crée : achève la création, l'informe. Aussi, tels qu'en nous-mêmes enfin la poésie nous change, restons-nous dans le paradoxe : l'imagination nous aide à fuir les formes déjà réalisées : mais elle ne fait jamais que fixer d'autres formes. Et c'est dans la plasticité des mémoires que se jouera notre dernière métamorphose : la mort est notre auteur. Aussi est-elle charitable : car toute forme est charité.« Dans chaque fruit, dix graines, dit Tukaram. Dans chaque graine, dix fruits. » Mais c'est tronquer le cycle : pour que graine il y ait, il a fallu l'esprit des formes (É. Faure) et que souffle le vent.
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